Contrer le cyberharcèlement au sein du couple : Première partie
Attention : Avant d’agir, prenez garde !
Supprimer ou désactiver les outils utilisés par la personne qui vous harcèle peut l’alerter et aggraver la situation. Cela pourrait compromettre votre sécurité et vous couper de vos soutiens ou vous empêcher de quitter la relation.
Si vous êtes victime de cyberharcèlement ou si vous accompagnez une personne qui l’est, il est essentiel d’analyser la situation avec soin avant de prendre des mesures.
N’hésitez pas à demander de l’aide.
Des professionnel·le·s spécialisé·e·s peuvent vous accompagner. Pour les contacter, privilégiez un appareil et une connexion que la personne qui vous harcèle n’utilise pas et ne peut pas surveiller.
Les conseils de cet article sont à suivre avec prudence. Il est important d’avoir un plan de sécurité et de bien évaluer les risques avant d’agir.
Le cyberharcèlement au sein du couple est un phénomène complexe, souvent lié à l’intimité partagée. Un·e partenaire (actuel·le ou ancien·ne) possède des informations privilégiées sur l’autre : son passé, ses habitudes, ses aspirations, ses faiblesses… Il/elle connaît sa personnalité, ses réactions, ses points sensibles. Même des informations anodines peuvent devenir des armes entre les mains d’une personne malveillante. Cet article vous propose des pistes pour contrer les techniques de cyberharcèlement qui utilisent les technologies du quotidien.
Reprendre le contrôle de sa vie numérique après une rupture
Dans une relation intime, il est courant de partager des informations et des appareils numériques avec son/sa partenaire. Mots de passe, documents d’identité, localisation, comptes en ligne… ces partages, souvent banals et pratiques, peuvent se transformer en sources de problèmes lors d’une séparation.
Que la rupture soit imminente ou déjà effective, il est crucial de reprendre le contrôle de votre vie numérique et de protéger vos informations. Supprimez l’accès de votre ex-partenaire à vos comptes et appareils pour éviter toute utilisation malveillante ou exposition accidentelle.
Des ressources pour vous accompagner :
Le Guide de la rupture numérique de Refuge et Avast : ce guide propose des conseils pour sécuriser vos applications et services en ligne (localisation, courriels, réseaux sociaux, comptes bancaires, rencontres, etc.) pendant et après une rupture, en particulier si vous craignez des abus ou du harcèlement.
La Boîte à outils pour la sécurité et la confidentialité technologiques de Safety Net : disponible en anglais et en espagnol, cette boîte à outils propose des guides pour les victimes de violence, notamment sur l’élaboration d’un plan de sécurité technologique.
Le Réseau national pour mettre fin à la violence domestique (National Network to End Domestic Violence) : cette organisation offre également des conseils pour assurer votre sécurité numérique.
L’article de Consumer Reports, Un guide numérique pour rompre : comment récupérer vos comptes en ligne après la fin d’une relation : cet article fournit des conseils pour sécuriser vos comptes en ligne et éviter les rappels indésirables du passé.
Gérer la communication avec une personne qui harcèle
Couper tout contact avec la personne qui vous harcèle n’est pas toujours possible, ni même souhaitable. Bloquer cette personne peut parfois entraîner des réactions violentes, et si vous élevez un·e enfant ensemble, maintenir une certaine communication est inévitable.
Dans ces situations, il est important de limiter la communication et l’accès à vos informations.
Les conseils de Consumer Reports :
Sur les réseaux sociaux : « restreignez », « mettez en sourdine » ou « masquez » le profil et les mises à jour de la personne qui vous harcèle pour limiter les interactions.
Conservez les preuves : gardez une trace des communications indésirables (courriels, SMS, messages sur les réseaux sociaux, etc.) comme preuve de harcèlement.
Protégez-vous émotionnellement : ne lisez pas les messages lorsque vous ne vous sentez pas prêt·e. Utilisez des filtres pour trier ou rediriger les messages de la personne qui vous harcèle et choisissez le moment où vous souhaitez les consulter.
Filtres de messagerie :
Créez un dossier spécifique pour les courriels de la personne qui vous harcèle et configurez des filtres pour que ses messages soient automatiquement redirigés vers ce dossier. Si elle utilise plusieurs adresses électroniques (tactique souvent utilisée pour éviter les pour nier les faits et éviter les poursuites), vous pouvez créer des filtres supplémentaires basés sur des mots-clés ou des expressions qu’elle utilise fréquemment.
Pour obtenir des instructions sur l’utilisation des filtres sur Gmail, consultez cette page et celle-ci. Pour Protonmail, Microsoft Outlook, Thunderbird, reportez-vous aux pages d’aide de votre fournisseur de services de messagerie ou de votre client de messagerie préféré.
Filtrer les notifications sur les applications
Plusieurs applications de messagerie vous permettent de gérer les notifications pour éviter d’être submergé·e par les messages de la personne qui vous harcèle.
Signal : mettez la conversation en sourdine et archivez-la pour masquer les notifications. Vous pourrez toujours consulter les nouveaux messages en accédant à la section « Conversations archivées » (informations supplémentaires sur cette page).
WhatsApp : mettez les conversations en sourdine et accédez aux conversations archivées dans un dossier dédié.
Telegram : désactivez les notifications et personnalisez les alertes pour des contacts spécifiques.
Facebook Messenger : mettez les conversations en sourdine et gérez les messages filtrés provenant d’expéditeurs inconnus.
N’hésitez pas à explorer les options de filtrage disponibles sur vos applications préférées.
Bluetooth : attention aux connexions indésirables
Saviez-vous que connecter votre téléphone en Bluetooth au système audio d’une voiture peut permettre au propriétaire/conducteur de la voiture de voir vos fichiers et messages ?
Pour éviter tout accès indésirable, déconnectez votre téléphone des appareils de la personne qui vous harcèle.
Usurpation d’identité et doxxing
Les personnes qui harcèlent sont prêtes à tout pour nuire à leur cible : diffamation, création de faux profils, divulgation d’informations personnelles, voire d’images intimes…
L’usurpation d’identité sur les réseaux sociaux est une tactique courante. Elle permet de manipuler la cible et son entourage, et de porter atteinte à sa réputation, sa sécurité et sa vie privée.
Surveillez votre présence en ligne
Pour vous protéger, il est crucial de surveiller ce qui se dit sur vous en ligne. Créez des alertes Google pour être notifié·e lorsque :
Votre nom complet (avec des variantes orthographiques et vos anciens noms) est mentionné.
Votre numéro de téléphone, votre adresse électronique, votre adresse postale, etc. sont publiés.
Utilisez des guillemets pour rechercher des expressions exactes.
Si vous gérez une entreprise ou une organisation, configurez également des alertes pour son nom. Les personnes qui harcèlent peuvent s’en prendre à votre entourage professionnel. Pour en savoir plus, consultez un guide de gestion de la réputation en ligne, tel que celui-ci.
Le doxxing : une pratique dangereuse
Le doxxing consiste à révéler publiquement des informations qui permettent de vous identifier (adresse, e-mail, téléphone, numéro de sécurité sociale, etc.) sans votre consentement. C’est une forme de harcèlement et d’intimidation qui peut avoir de graves conséquences.
Le « self-doxxing » : une technique de protection
Le « self-doxxing » consiste à rechercher proactivement les informations vous concernant qui sont accessibles en ligne. Cela vous permet de les supprimer ou de mieux les protéger.
Le New York Times propose un guide détaillé et un article explicatif sur le self-doxxing et la protection de vos informations personnelles. Même s’il est destiné aux journalistes et aux militant·e·s, il est également utile aux personnes victimes/survivantes de harcèlement.
Supprimer ses informations des résultats de recherche Google :
Vous pouvez demander à Google de supprimer des résultats de recherche qui contiennent vos informations personnelles (téléphone, adresse, etc.) ou des informations financières ou médicales. À cet effet, consultez les étapes décrites dans cet article sous « Comment supprimer les résultats des moteurs de recherche vous concernant ».
Attention aux informations partagées sur les cartes et services de localisation
Les personnes qui harcèlent peuvent utiliser les services de cartographie et de localisation pour vous nuire. Elles peuvent par exemple :
Publier des images, des vidéos ou des informations privées sur l’emplacement de votre domicile, de votre lieu de travail ou d’autres lieux que vous fréquentez.
Diffuser des informations fausses et diffamatoires sur ces lieux, en suggérant par exemple que des activités illégales s’y déroulent.
Protégez votre vie privée :
Surveillez les informations publiées : consultez régulièrement l’emplacement de votre domicile et des lieux que vous fréquentez sur Google Maps et d’autres services de cartographie.
Signalez les abus : si vous trouvez des informations privées ou fausses, signalez-les immédiatement à la plateforme concernée pour qu’elles soient supprimées.
Floutez votre domicile : vous pouvez demander à Google de flouter votre domicile sur Google Street View. Pour savoir comment, consultez cet article.
Attention aux services de localisation :
Certains comptes partagés, comme les abonnements Netflix ou les abonnements à une salle de sport, peuvent révéler votre position.
Désactivez la localisation : vérifiez si la localisation est activée dans les applications que vous utilisez et désactivez-la si nécessaire.
Déconnectez les appareils liés : supprimez les connexions avec les appareils de la personne qui vous harcèle.
Le chapitre « Localisation » du Guide de la rupture numérique propose des conseils pour sécuriser les cartes et autres services basés sur la localisation. N’hésitez pas à le consulter.
Vos informations privées en ligne : registres publics et bases de données
Lorsque vous recherchez des informations vous concernant en ligne (en pratiquant le « self-doxxing » ou en utilisant les alertes Google), vous pourriez découvrir que certaines de vos données personnelles sont accessibles au public, que ce soit dans des registres gouvernementaux ou des bases de données privées.
Que faire ?
Contactez le site web ou le service concerné : demandez la suppression de vos informations privées ou de votre profil entier.
N’oubliez pas la Wayback Machine : certains sites web et pages sont archivés par Internet Archive. Si vous trouvez vos informations sur la Wayback Machine, demandez leur suppression en même temps que vous contactez le site web source.
Le droit à l’oubli :
Dans certains pays, vous pouvez invoquer le droit à l’oubli pour demander la suppression de vos données personnelles. Ce droit s’applique dans des circonstances spécifiques, notamment si les informations sont inexactes, obsolètes ou portent atteinte à votre vie privée.
L’historique des notifications : une faille de sécurité à ne pas négliger
La plupart des smartphones enregistrent l’historique de vos notifications. Si la personne qui vous harcèle a accès à votre appareil, physiquement ou à distance, elle peut consulter toutes vos notifications, même celles que vous avez supprimées.
Imaginez : vos messages demandant de l’aide, vos démarches pour quitter la relation, vos recherches d’un logement sûr… toutes ces informations pourraient être exposées.
Protégez vos communications :
- Désactivez l’historique des notifications : c’est la solution la plus radicale, mais aussi la plus sûre.
- Désactivez les notifications de certains contacts : si vous ne souhaitez pas désactiver l’historique complet, vous pouvez désactiver les notifications des contacts dont les messages doivent rester confidentiels.
Comment gérer l’historique des notifications ?
- Android : savoir comment activer/désactiver et afficher l’historique des notifications.
- iPhone/iPad : comment afficher et gérer les notifications.
À suivre :
La prochaine partie de cette série d’articles abordera d’autres aspects du cyberharcèlement au sein du couple, notamment les applications et services utilisés pour harceler, les dispositifs de stalkerware tels que les caméras espionnes, et le gaslighting.
Rohini Lakshané est chercheuse interdisciplinaire, technologue et wikimédienne. https://about.me/rohini
Illustration de Laura Ibáñez López, https://cargocollective.com/pakitalouter
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